La presse se fait quotidiennement l’écho de créations artistiques réalisées par des intelligences artificielles (IA) génératives. Tous les secteurs – écrit, art graphique, musique – sont concernés : ChatGPT pourrait presque rédiger ce billet, une œuvre d’art générée MidJourney a remporté le 1er prix à la Colorado State Fair en août 2022, un duo fictif entre Drake et The Weeknd a fait le buzz en avril 2023…

Le droit d’auteur devait être confronté à l’IA. La France l’a compris depuis quelques années (v. Rapport CSPLA au ministère de la Culture, mission IA et Culture, janv. 2020). La mise à disposition du grand public des outils génératifs et la forte médiatisation des résultats précipitent la réflexion.

 

Description du processus créatif

L’IA générative fonctionne sur un modèle connexionniste, imitant le réseau neuronal du cerveau humain. Des données en entrée (inputs), ici des contenus protégés par le droit d’auteur ou les droits voisins, permettent au système d’IA d’induire des règles, d’« apprendre », pour générer en sortie un résultat (output), ici une production artistique.

 

Le statut des inputs

L’apprentissage-machine implique en amont la reproduction et l’analyse de contenus. Ces données entrantes, qui peuvent donc être des contenus protégés par des droits de propriété intellectuelle, sont déconstruites pour isoler des relations, des tendances…, grâce à une opération nommée « fouille de textes et de données » (text and data mining, TDM). Parce que ce processus peut violer le monopole, le législateur européen a imposé deux exceptions dans la directive 2019/790 dite « Digital Single Market ». La première est à finalité scientifique, réservée à certaines institutions académiques identifiées. La seconde, très ouverte, est offerte à tous les usages, y compris commerciaux, sous réserve que le titulaire de droits n’ait pas exercé, par des moyens lisibles par machine, son droit d’opposition (ou opt out), qui permet un retour à l’exclusivité et donc une possible contractualisation. L’exercice efficient de ce droit paraît néanmoins assez illusoire aujourd’hui.

 

La qualification de l’output

Avant tout, parmi les productions de l’IA (outputs), il faut impérativement distinguer les créations assistées par une IA et les créations générées par une IA, même si la frontière est une zone grise qui ne pourra, in fine, être fixée que par un juge, seul maître de la qualification.

Dans le premier cas, le système d’IA reste un outil entre les mains d’un auteur, ce qui n’emporte aucune conséquence sur la qualification, quelle que soit la technicité de l’outil. La production sera donc bien qualifiée œuvre si elle est originale.

Dans le second cas, la qualification est très incertaine, en l’absence d’auteur personne physique susceptible de marquer l’œuvre de sa personnalité. En effet, fournir de simples instructions sous forme de prompts par exemple ne suffira pas à endosser cette qualité.

La distinction a été rappelée par l’US Copyright Office en mars 2023 après le refus de protection des images générées par l’IA dans le roman graphique « Zarya of the Dawn », alors que le texte, écrit par un auteur, a été reçu.

 

L’output « à la manière de »

Les productions de l’IA « à la manière de » se multiplient : « The Next Rembrandt », imitant le style du peintre hollandais, « Daddy’s Car », à la manière des Beatles…

On le sait, le droit d’auteur ne permet pas la réservation d’un style, mais d’une création de forme particulière. Aussi, la production générée par une IA « à la manière de » ne saurait être considérée comme contrefaisante sauf à reprendre expressément des éléments formels originaux – et identifiables en sortie – de l’œuvre ingérée.

Pour autant, d’autres mécanismes que la contrefaçon peuvent être sollicités, notamment le droit de la responsabilité civile délictuelle, avec le parasitisme ou la concurrence déloyale, ou encore les droits de la personnalité lorsque la production reprend l’image ou la voix d’un artiste.

 

De lege ferenda… ?

S’agissant du statut des inputs, des voix se font entendre pour un meilleur partage de la valeur. Certains titulaires demandent notamment en Europe la révision de l’exception TDM commercial. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des actions sont en cours pour faire interdire ce que les titulaires de droits considèrent comme un pillage de leurs créations.

S’agissant de la qualification des outputs, le choix est politique. De lege lata, la protection par le droit d’auteur semble compliquée ; certains proposent cependant de forcer un peu les critères ou de créer un régime spécial, voire une présomption d’autorat, comme cela existe déjà dans certains pays comme le Royaume-Uni pour les créations générées par ordinateur. D’autres soutiennent la création d’un nouveau droit, un droit sui generis, fondé sur l’investissement. D’autres encore s’opposent à toute protection faisant de ces productions des « communs », non réservables par la propriété intellectuelle. La solution est, par certains aspects, pertinente, mais elle ne dit pas comment lutter contre les contournements… En outre, pareilles productions pourraient bien être exclues du droit d’auteur, droit natif de la propriété littéraire et artistique, mais protégées par un droit voisin (notamment au bénéfice d’un producteur).

 

Prompt : « écris-moi le droit d’auteur de l’année 2050 ».

Texte garanti 100% humain, généré sans IA.